Les femmes victimes de violences au sein du couple (Partie 1)

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Je pense ne pas me tromper en disant que nous connaissons au moins une femme ayant subi au moins une fois une violence au cours de sa vie : sifflements, "main aux fesses" et j'en passe. C'est un sujet actuel et sensible dont je vais parler, mais en me basant sur mon expérience professionnelle : les violences faites au sein du couple.

Actuellement, je suis en poste en tant qu'ISCG. Le public rencontré est large mais plus de 90% des situations concernent sont des femmes victimes de violences, majoritairement au sein du couple.

Cette première partie pose les bases sur ces violences faites aux femmes dans ce cadre.

La lutte contre les violences faites aux femmes

Retracer l'historique est compliqué pour ma part. De plus, j'ai des tenants et aboutissants que je ne maîtrise pas. Je préfère donc laisser cela à cette article de Vie-Publique.fr qui résume bien l'évolution de la lutte contre les violences faites aux femmes en France.

 Qu'est ce qu'on appelle "violence au sein du couple" ?

La violence est, par définition "un acte d'agression commis volontairement à l'encontre d'autrui, sur son corps ou sur ses biens".

Le couple, au sens judiciaire, concerne des personnes impliquées dans une relation particulière qui comprend :

  • Les personnes en union libre, concubinage, mariées ou pacsées ;
  • Les personnes ayant été dans une des unions citées au dessus (autrement dit, des exs).

Les violences globalement sont catégorisées en différents groupes par les services judiciaires :

  • les violences physiques sont les violences les plus visibles : elles concernent toutes les violences atteignant l'intégrité physique de la personne, directement (via des coups) ou indirectement (lancer un objet sur la personne pour la blesser);
  • Les violences sexuelles concernent tout acte d'agression sexuelle ou viol de la part du partenaire;
  • Les violences psychologiques concernent les actes atteignant les victimes dans leur intégrité mentale et morale par le biais de rabaissement, de pression ou de tension;
  • Les violences verbales, orales ou écrites, concernent les insultes, les menaces qu'elle soit de mort ou non, et tout propos ayant un objectif d'atteindre la victime dans son intégrité ;
  • Enfin, d'autres violences considérés plus récemment, comme les violences administratives, économiques, financières ou les cyberviolences concernent les actes réalisées par le partenaire comme contrainte dans le couple.

La nuance entre "violences conjugales" et "violences au sein du couple"

Sur le papier, il n'y a aucune différence entre "violences conjugales" et "violences au sein du couple" mais je souhaite éclaircir une nuance existante pour moi. Médiatiquement, il existe cette nuance que je veux briser avant de commencer.

Les "violences conjugales" sont reprises généralement par les médias principaux. Ils ne font ressortir des éléments qu'à travers leurs articles en pouvant occulter certaines subtilités.

Les médias évoquant les "violences conjugales" peuvent sous-tendre rapidement vers les penchants extrêmes : le mécaniques d'emprise, "le cycle de la violence", les situations de contrôle des femmes, la domination d'un partenaire sur l'autre et la volonté de destruction et de mort. Les féminicides et les "pervers narcissiques" sont les reflets de ce modèle médiatique et de ces catégories "faits divers fourre-tout" pour sortir des phrases chocs.

Seulement, les "violences au sein du couple" englobe toute violence entre partenaires. De l'engueulade à la gifle aux coups et blessures sans écarter les sénarios les plus graves, les meurtres. Chaque acte posé contre son ou sa partenaire est une violence en tant que tel.

Je mets en lumière cette nuance, qui n'existe que par les médias, et par extension, nos politiques publiques ne mettent qu'en avant ces violences conjugales, alors elles ne représentent qu'environ 0.001% des femmes victimes de violences au sein du couple.

Pour justifier ce chiffre il suffit de comparer 2 études :

  • L'étude nationale sur les morts violentes au sein du couple révèle au 02/08/2021 que pour l'année 2020 :

    125 morts violentes au sein du couple ont été recensées par les services de police et unités de gendarmerie, contre 173 l’année précédente (48 victimes en moins, soit -28 %). Ces décès comptent 102 femmes pour 23 hommes.

  • Les violences conjugales enregistrées en 2020 transmise par le service statistique ministériel de la sécurité intérieur :

    En France, sur l’année 2020, les services de police et de gendarmerie ont enregistré, hors homicides, 159 400 victimes de violences au sein du couple, dont 87 % de femmes.

NOTE

Ici, je compare le nombre de morts violentes au sein du couple, avec le nombre "d'enregistrement" de violences au sein du couple. 
Si le décompte des morts violentes n'offre pas d'interprétation, le nombre d'enregistrements est plus "discutable".
Ces enregistrements correspondent à tout évènement confondu considéré comme "différent intrafamiliale" par les Forces de l'Ordre.
On y compte toute déclaration de violence au sein du couple, de la simple dispute à l'agression violente avérée.

Il n'en reste pas moins que cela reste, au même titre que les morts violentes, un violence au sein du couple.

On a donc :

  • 102 décès de femmes au sein du couple (donc féminicides) en 2020 pour 23 décès d'hommes
  • 138 678 femmes victimes de violences au sein du couple en 2020 pour 20 722 hommes victimes

Le nombre de féminicides est environ 1000x plus petit que le nombre de victimes de violences subis dans un couple. Autrement dit : les féminicides représente environ 0,001% des femmes victimes de violences au sein du couple. Le ratio "Homme/Femme" d'environ 20/80 reste sensiblement le même sur les 2 données, ce qui suppose que les violences au sein du couple concernent en majorité les femmes. 

99,9%% des femmes que je rencontre au sein de mon travail ne sont pas victimes de féminicides. C'est cette majorité dont je peux parler et qui reflète une problématique d'autant plus inquiétante.

Mes observations

Tous les couples sont sujets à vivre des violences car les disputes de couple existent indépendamment des conditions ou du niveau de vie. Par contre, je rencontre globalement plus de personnes en situation de précarité. Ces situations sont, de par leur nature précaire, plus complexes à gérer et amènent plus souvent des instants de crises.

Je coupe les situations en deux grandes familles :

  • D'un côté, on retrouve des situations proches d'un "conflit conjugal" : dispute de couple ayant mal tourné, séparation conflictuelle entre des partenaires, garde qui dégénère, entente impossible... Certains partenaires ne se parlent plus, d'autres ne se comprennent plus, ou encore ne se supportent plus. La complexité de ces situations est variée et la combinaison d'aléas peuvent être facteur de risque de violences dans ces couples, avec des réactions d'hommes disproportionnés face à la situation ou qui ne prennent pas conscience de leurs actes. Je me retrouve régulièrement à agir auprès de ces familles car le judiciaire n'est qu'une étape et non une solution, voir même une entrave à cette recherche.

  • De l'autre, on retrouve des situations plus inquiétantes relevant de la "violence conjugale" : règlements de compte, violences récurrentes envers les femmes ou/et les enfants, des parents qui utilisent leurs enfants pour affecter l'autre partenaire, surveillances, insultes, dénigrements... Ces situations anxiogènes ont des réponses judiciaires plus efficaces si les faits sont marquées et remarquables judiciairement. 

Ce découpage ne justifie aucun des actes de violence posés mais permet d'agir de façon adaptée en fonction notamment de la position des protagonistes et du contexte des situations.

Plus les situations sont violentes, plus les pouvoirs judiciaires peuvent agir avec une réponse répressive. Pour les faits plus communs ou non visibles, la réponse judiciaire est moins pertinente et laisse souvent la victime seule face à la complexité de sa situation.
Ces situations plus modérés sont rarement évidentes avec un "mâle" et un "bien".

Dans ces situations, l'homme n'est pas forcément celui qui cherche absolument à détruire et manipuler sa femme. Les cas d'emprise et de contrôle existent mais sans faire légion. Régulièrement, on a affaire à un homme lambda qui déborde. Ça peut être vous. Ça peut être moi. On a aussi affaire à des hommes avec des éducations marqués d'une vision mettant la femme "en-dessous" de l'homme. Ces hommes réagissent d'une façon inadapté sans se rendre compte de la portée de leurs gestes, ce qui est encore plus grave. Enfin, nous avons aussi les hommes avec des problématiques complexes et plurielles qui les emmenent à être violent avec leurs compagnes. 

Par contre, les conditions des femmes sont majoritairement plus défavorables que les hommes : elles gagnent souvent moins d'argent que leurs partenaires, qui est le contributeur financier principal par choix, fonctionnement ou contrainte. Les charges du quotidien, le loyer courant, les factures, les crédits, sont généralement contracté par l'homme ce qui laisse la liberté pour certains d'entre eux d'être l'unique titulaire des contrats, ce qui pose de sacrées difficultés lors d'une séparation ou d'une evinction du foyer. Les femmes sont, par contre, les référentes de l'éducation des enfants et la gestion de la vie familiale en délaissant leurs carrières ou non.

Dans ces situations, l'argent devient vite la difficulté principale. Si l'homme est la principale source financière, il crée, consciemment ou non, une dépendante indiscutable. Si madame travaille, il faut néanmoins que son emploi et ses gains couvrent globalement les besoins de la famille. Et autant il peut être plus facile de subvenir aux besoins d'une famille avec un second salaire, autant devenir mère isolée rend la tâche compliquée. Pour beaucoup d'entre elles, ce frein financier est trop important et les positionnent dans un situation trop précaire pour partir.

Indéniablement, lorsqu'il y a des enfants, la situation prend des proportions dramatiques. Elles ne se voient pas les laisser à leurs compagnons vu leur faible implication parentale. Entre les enfants qui peuvent se retrouver pris à parti, les risques pouvant être signalés pour les services sociaux, les agissements de l'autre parent amenant des pressions affectifs ou des requêtes judiciaires en nombre, les femmes se retrouvent transportés dans un contexte anxiogène où elles sont souvent démunies et ne se sentent pas écoutés, malgré le suivi. 

À cela, on ajoute la difficulté du logement. Car lorsqu'on se sépare, un lieu de vie supplémentaire doit être trouvé. Lorsque le partenaire violent est evincé du domicile, des difficultés submergent, en lien direct avec le financier, ou le traitement administratif pour peu que la femme n'y connaisse rien ou soit perdue. Mais dans les cas où rien n'est mis en place, avec une situation financière précaire et la gestion des enfants, retrouver un toit s'avère compliqué, sans compter la conjoncture actuelle du logement.

Ces 3 difficultés, que je dirais principales, sont des impacts connus en matière de violences et des actions ont été développés pour lutter contre ces difficultés. Ce travail et ces actions sont récentes, réelles et évoluent au fil du temps même si un travail conséquent doit être encore développé...

Le Mot de la fin

Cette première partie expose une problématique plus complexe qu'il n'y paraît. Les médias mettent globalement en avant un unique penchant de ces violences en le simplifiant via les féminicides et laissant les notions complexes de côté.

Lorsqu'on creuse un peu, les féminicides sont minimes face aux nombres d'interventions pour violences au sein du couple. Cependant, la position de la femme reste délicate dans la majorité des cas. La prédominance de la femme victime et des difficultés liées au schéma matrimoniale en tant que femme les inscrivent dans un risque de précarité élevé sur ces évènements.

Les actions de l'État se sont donc portés sur la façon d'aider les femmes victimes de violence dans leur couple, que je développerais dans la seconde partie !

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